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Rock & Folk n° 428, Avril 2003

Ils attendent en prison...

THE WEST MEMPHIS 3

 «La violence que prêche le diable augmente tous les jours. Et la musique rock contribue à prendre les gens à ce piège, les jeunes surtout (..). La musique rock n'est pas autre chose que de la pornographie mise en musique, et ses effets sur les jeunes sont dévastateurs.»
Cardinal O'Connor (Etats-Unis, 1990)

   La découverte de l'histoire des West Memphis 3 se fit au détour d'un surf Internet, il y a 2 ans, aussi incidemment que la mort s'était abattue sur 3 enfants de 8 ans le 5 mai 1993 et la soi-disant "justice de Dieu" sur les 3 "boys in black" accusés de leur meurtre, à West Memphis, Arkansas, USA. Les faits narrés ci-dessous suivent une rencontre avec Kathy Bakken et Chad Robertson, citoyens de Los Angeles, membres du Comité de Soutien des 3 de West-Memphis.

   Le site des Supersuckers, sublimes punks cow-boys anti-rednecks, comme celui de bon nombre de groupes ou artistes nord-américains arbore la bannière « Free The West Memphis 3 », qui, d'un clic, dirige directement l'internaute curieux vers le site www.wm3.org, plaque tournante du soutien organisé par Grove Pashley (photographe), Burk Sauls (scénariste) et Kathy Bakken (directrice artistique) depuis 1996 pour Damien, Jason et Jessie.

   Le cas des WM3 est emblématique à plusieurs titres. En effet, les dysfonctionnements policiers et judiciaires sont malheureusement universels, les lynchages médiatiques à la « bagagiste de Roissy » de plus en plus rapidement orchestrés et l'obscurantisme religieux toujours à l'ordre du jour. L'histoire des WM3, c'est la combinaison de ces trois facteurs dans une Amérique profonde tenant à la fois de Faulkner, du Lynch de Twin Peaks, du « Wild Gift » de X et de la Nuit du Chasseur.

   Steve Branch, Christopher Byers et Michael Moore, tous trois âgés de 8 ans, sont retrouvés le 6 mai 1993, lendemain de leur disparition, ligotés avec leurs lacets de chaussures, nus, couverts de coups. Christopher a été plus particulièrement victime d'acharnement et a été mutilé. La police de West Memphis, qui n'a jamais été confrontée à ce genre de crime, travaille avec amateurisme, détruisant indices et pièces à conviction, omettant les principes élémentaires d'une affaire aussi lourde (description minutieuse des lieux, des corps, précautions dans les manipulations et les relevés, etc). Un éducateur, proche des policiers, leur désigne immédiatement des coupables potentiels: Damien Echols, adolescent qu'il suit depuis plusieurs années et son ami Jason Baldwin. Rapidement, un scénario se met en place : Damien est un ado un peu « étrange » selon les standards locaux. Il est issu d'une famille pauvre, écoute du Heavy-Metal, s'habille en noir, et a peu d'amis. La thèse d'un rite satanique initié par Damien, aidé par Jason, et encouragé par la musique « démoniaque » qu'ils affectionnent, prend forme dans l'esprit de l'éducateur (auto-proclamé « spécialiste des comportements occultes ») et des policiers. Elle se répand. Rumeurs.

Pourtant, aucune trace de rite satanique n'est relevée et la perquisition chez Damien ne permet de retrouver que des K7 de Metallica, des tee-shirts de groupes metal et des livres de Stephen King et Shakespeare. Ces éléments seront pourtant utilisés à charge lors du procès pour prouver les « penchants satanistes » de l'adolescent. Alléchée par les 35 000 $ de récompense, une habitante tente alors de fournir à la police ce qu'elle attend : des témoignages. Après deux tentatives infructueuses, elle convainc un jeune homme « mentalement retardé », Jessie Misskelley d'aller trouver les policiers pour leur affirmer qu'il a vu le crime perpétré par les deux adolescents. Jessie est interrogé pendant douze heures, seuls ses « aveux » sont enregistrés. Les policiers réussissent à lui faire dire ce qu'ils voulaient entendre : Damien et Jason ont tué les trois enfants mais Jessie finit même par s'accuser d'avoir participé au meurtre ! Pour le Département de Police de West Memphis, les médias locaux et la population, particulièrement puritaine, c'est le soulagement. Les « coupables » sont jugés, défendus tant bien que mal par des avocats phagocytés par l'organisation des procès et les convictions du juge. Ils n'ont participé à aucun interrogatoire. Accusés de satanisme et des trois meurtres, Damien (19 ans) est condamné à mort par injection léthale, Jason (16 ans) et Jessie (17 ans) à la prison à vie. Depuis 10 ans, ils attendent en prison de haute sécurité que le juge accepte de rouvrir le dossier, prenne en compte des pièces à conviction et des éléments « ignorés » (couteau avec traces de sang, morsures díadultes sur les corps des victimes), et examine d'autres hypothèses (le beau-père de l'enfant mutilé a « offert » le couteau à une équipe TV, est connu pour ses actions violentes envers son ex-femme, mais est très lié à la police locale. Un homme ensanglanté a été vu dans un snack de la ville le soir des meurtres puis a disparu). Un test ADN à partir de restes sanguins pourrait être pratiqué mais le coût est élevé et la fiabilité après tant de temps reste incertaine. Un avocat d'O.J. Simpson, Barry Scheck, a été engagé par les « supporters », en tant que spécialiste des tests ADN.

   Un recours devant la Cour Suprême reste envisageable.

   Les trois adolescents sont plus que tout victimes de ce que certains sociologues nomment syndrome de la « panique satanique » (version ancestrale de la « panique islamiste »), suscitée par une paranoïa collective, orchestrée par manipulation médiatique sur fond de rumeurs et d'hystérie religieuse. Or, dès les années 50, le rock et ses dérivés sont accusés par les prêcheurs évangélistes, mais aussi des dignitaires de l'église catholique (Imams et Rabbins ne seront pas en reste) d'être la musique du Diable, rythme d'enfer et textes blasphématoires. Depuis les délires mystiques de Jerry Lee Lewis ou Little Richard, persuadés d'être possédés par le Démon, en passant par les accusations contre les Beatles (Sergent Pepper avec Aleister Crowley, fondateur du satanisme moderne, sur la pochette, messages subliminaux sur Revolution n°9 de l'album blanc), les Rolling Stones (Sympathy for the Devil, Their Satanic Majesties) ou Led Zeppelin (IV), la liste des artistes accusés de propager la parole du malin et donc de vouloir détruire les fondements de la société chrétienne s'est allongée jusqu'au ridicule : Black Sabbath, Pink Floyd, Eagles ( !), Styx, Kiss, AC/DC, les punks, le heavy-metal, Marylin Manson, Venom, le Black-Metal, le Goth...Les prêtres expliquent qu'il n'est plus besoin de messages subliminaux ou de faire tourner les disques à l'envers comme d'antan puisque les attaques sataniques sont ouvertement formulées par les groupes de Black-Metal ou Gothiques. Pour ces théologiens à l'esprit étriqué, le Mal se propage par le Rock, le Rap, la Techno, mais aussi les jeux de rôles et la bande dessinée...Ce genre de théories grand-guignolesque est monnaie courante aux Etats-Unis, mais la France n'est pas en reste ! Les groupes de pression se multiplient pour faire interdire ou censurer les artistes, musiciens, cinéastes, plasticiens, dessinateurs... Les amalgames font recette (voir récemment l'émission « Ca me révolte » sur M6).Sous prétexte de pornographie, d'apologie de l'usage de stupéfiant, d'atteinte aux croyances religieuses, les expressions dyonisiaques de l'existence humaine sont restreintes drastiquement, condamnées au refoulement ou à l'underground. Les modes de vie « immoraux » deviennent sources de comportements dangereux et répréhensibles, Tartuffe is back and well !

   Aux Etats-Unis, pour soutenir les WM3, ce sont donc Steve Earle, Rocket from the Crypt, L7, Supersuckers, Joe Strummer (toujours dans les bons coups, RIP Joe), Tom Waits, Eddie Vedder, Zeke, Kelley Deal, Tony Scalzo, John Doe et Exene Cervenka, Mark Lanegan, Murder City Devils, Nashville Pussy, Killing Joke, Chuck D, Henry Rollins, Iggy Pop, Keith Morris, Mars Volta, Clutch, Poison the Well, Slipknot, Queens of the Stone Age, Hank III, Ween, Amen, Mike Patton, Ice T, Slayer, Lemmy Kilminster, Rancid, Inger Lorre, Kira Roessler et Ryan Adams qui ont participé à deux compilations exceptionnelles de qualité et d'inédits. La première est malheureusement épuisée (trouvable sur le net chez Amazon.com en occase), la seconde vient de sortir (voir chronique de « Rise Above » dans ce numéro). Henry Rollins et díautres ont organisé des concerts de soutien. Il existe également deux films vidéos, réalisés par HBO « Paradise Lost » 1 & 2, qui ont cartonné à l'audimat et qu'une chaîne française serait bien inspirée de diffuser dans nos foyers sarkozifiés, démontant point par point toute l'horreur de cette affaire. Metallica a offert sa musique pour la bande-son. Des livres ont été édités aux States, attendant une traduction...

   Tous les détails de l'affaire, les moyens de soutenir les WM3, les news sont disponibles sur le site US déjà cité. Une adresse a été créée en France, pour réunir les volontés et répondre aux questions pour les non-anglophones : freeWM3@free.fr

   On attend maintenant la première initiative de musiciens français (sera-ce des punks, des nu-metalleux, des dreadlocks-boys, des Hellboys, des Riot Grrrl, un mélange de tout ça ?). A vos instruments ! Trois gosses ont déjà perdu 10 ans de leur vie parce que leur délire était de s'éclater, décibels hurlants, en grattant des raquettes de tennis devant leur glace. Aujourd'hui, ils n'ont plus comme fond sonore que les cris de leurs compagnons d'infortune! Prison à vie, couloir de la mort, isolement, interdiction de musique. Monsieur le Cardinal, l'Enfer, c'est où déjà ?

Gilles Garrigos
 

Abus Dangereux n° 80, Décembre 2002

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